Jean Stampe
I. La personnalité
Né à Molenbeek, le 17 avril 1889.
Mécanicien de formation.
Officier aviateur et héros de la guerre 14-18.
Pilote de Sa Majesté le Roi Albert Ier.
Constructeur d’avions.
Décédé à Bruxelles, le 15 janvier 1978.
La carrière aéronautique
- Brevets de pilote civil, à Hendon (UK), le 30 janvier 1916 et d’aviateur militaire, à Étampes, le 10 juillet 1916.
- Vole sur BE-2C et Farman MF-11, puis muta-tion à la 6e Escadrille d’observation sur BE-2C. Par la suite, passe sur RE-8 et sur Nieuport Ni-17M.
- Gravement blessé au cours d’un engagement aérien, le 11 mars 1918, refuse d’être réformé et reprend du service aérien à la 6e Escadrille.
- Nombreux survols du front en Spad S.XI avec le Roi Albert comme passager. Après l’Armistice, reste au service du roi pendant quatre ans. Il vole sur Bristol Fighter.
- Juillet 1920 : participation victorieuse au circuit d’aviation en Belgique avec Victor Boin comme équipier.
- Création de la Société Stampe & Vertongen, le 17 octobre 1923 ; contrat de représentation des Bristol F.2B Fighter et association avec Alfred Renard pour la construction du premier avion d’entraînement belge, le RSV 32.
- Construction de nombreuses variantes du RSV 32 et à partir de 1935, fabrication des avions S.V.4 et 5. La construction du chasseur S.V.10 est un échec. Son fils Léon et l’ingénieur Ivanov se tuent au cours d’un vol d’essai à bord de cet appareil.
- Jean Stampe développe le S.V.4Bis avec l’aide de l’ingénieur Demidoff. L’Aéronautique Militaire en commande 30 exemplaires. La 2e Guerre Mondiale met fin à la production de l’appareil.
- La guerre empêche ainsi la construction de 600 appareils en commande pour l’Armée française. La production de l’appareil reprendra après les hostilités. La Force Aérienne belge en acquiert 65 pour l’écolage de base de ses pilotes tandis que 856 Stampe vont rééquiper les centres de formation civils et militaires français. L’avion S.V.4B entre dans la légende.
II. Biographie
Le mécanicien devient aviateur militaire
Les parents de Jean Stampe, Léon et Marie, sont bruxellois et exploitent un petit café à Ixelles. Fils unique, Jean y passe toute son enfance. Il reçoit un enseignement élémentaire. Vers douze ans, il se prend de passion pour la bicyclette et la moto. Jean se marie à vingt ans et pour faire vivre son jeune ménage, il devient mécanicien et aide ses parents au café.
En 1913, son père lui offre le cadeau de ses rêves, une grosse motocyclette « Indian » et en août 1914, il part une semaine en Italie. Il passe la frontière au moment même où la France déclare la guerre à l’Allemagne. Sur la route de Crémone, il veut éviter une charrette à âne et s’écrase dans un fossé. Il souffre d’une quadruple fracture de la jambe droite La convalescence est très longue. Il est intransportable pendant cinquante-sept jours.
Il refuse la réforme définitive qu’on lui propose et rejoint Calais le 3 novembre 1915, trois jours avant la fin de son sursis. Au cours d’un congé sans solde de deux mois, il se rend à Hendon au nord de Londres, où pour cent livres Sterling, il s’inscrit à l’école d’aviation de l’américain Beatty. Jean Stampe y fait la connaissance des pilotes et futurs héros belges, André Demeulemeester et Willy Coppens. Il y rencontre également Maurice Vertongen qui deviendra par la suite son associé.
Stampe passe son brevet de pilote civil et son diplôme lui est remis le 28 février. Le Capitaine Nélis, premier aviateur militaire belge, l’envoie à Étampes près de Paris pour se perfectionner. Il passe son brevet militaire, le 10 juillet 1916.
En attendant son envoi au front, Stampe vole sur BE-2C et sur Farman MF-11. Le soir, au fil des conversations avec son ami Maurice Vertongen, se dessine un projet commun : après la guerre, ils créeront une école d’aviation.
La Grande Guerre
La 6e Escadrille d’observation est constituée en février 1916. Elle est équipée de BE-2C. Jean Stampe y est affecté et commence des missions de reconnaissance, de réglage de tir et de photographie aérienne. Il y restera jusqu’à l’armistice.
Un BE-2C de la 6e Escadrille. |
Stampe et Gilles devant un RE-8. |
Les BE-2C sont remplacés en 1917 par des Royal Aircraft Factory RE-8, puis par des Nieuport Ni-17M, et enfin, quelques mois avant la fin des hostilités, par des Spad S.XI. Stampe est nommé sous-lieutenant le 21 janvier 1917. Son équipier habituel est le Lieutenant Gilles. Durant sa carrière opérationnelle, Jean Stampe est blessé à plusieurs reprises. Le 11 mars 1918, il est une nouvelle fois touché au cours d’un engagement aérien. Gravement blessé au menton, il est hospitalisé pendant plusieurs semaines. On lui propose d’être réformé ; il refuse. Au cours de cette même période, sa femme meurt de la grippe espagnole. Elle lui a donné un fils, Léon, comme le père et le grand-père de Jean.
Le Spad XI. |
Gilles et Stampe en compagnie du Prince de Caraman-Chimay (à gauche). |
Au cours des derniers mois de guerre, le Roi Albert visite régulièrement l’escadrille et demande chaque fois à survoler les lignes. Jean Stampe a ainsi plusieurs fois l’occasion de prendre le souverain à son bord. Le roi l’apprécie beaucoup et en fait son pilote attitré. Après l’armistice, il fera partie pendant quatre ans des quelques aviateurs chargés de piloter le souverain.
En 1920, il participe victorieusement au circuit d’aviation de Belgique avec Victor Boin comme équipier.
À Bruxelles, Jean Stampe fait la connaissance d’un mannequin, Hélène. Leur entente immédiate aboutit rapidement au mariage. Hélène adopte Léon, le fils de Jean et lui donne toute son affection. Et par elle, Jean devient à jamais « Johnny », tout comme elle « Mapy ».
Briefing avant vol sur un Bristol Fighter.
Le pilote instructeur devient avionneur
Pour Jean Stampe, les chances de progresser dans la carrière militaire sont faibles : en tant qu’engagé volontaire, il ne peut en principe dépasser le grade de lieutenant. En 1922, il demande audience au roi, l’assure de sa fidélité et lui fait part de sa décision de quitter l’armée. Il informe le souverain de son intention de créer une école d’aviation à Deurne en compagnie de son ami Maurice Vertongen. Le roi ne s’oppose pas à son départ et va même suivre de très près le démarrage de la société. Stampe sera régulièrement reçu au Palais et continuera d’ailleurs à voler pour le souverain jusqu’au décès de celui-ci en 1934. Après la mort du roi, Jean Stampe se verra offrir par la Reine Élisabeth une broche en forme d’ailes, aux initiales du souverain.
Ne trouvant pas sur le marché un avion adéquat pour l’écolage, Stampe et Vertongen sont mis en contact avec un jeune ingénieur, Alfred Renard. Ce dernier élabore les plans d’un biplan biplace de 90 cv : le RSV 32/90. Ces lettres correspondent aux initiales des trois noms, suivies de la valeur de la surface portante (32 m²) et de la puissance du moteur (90 cv). L’appareil est rapidement mis en construction et vu ses qualités - sécurité, stabilité, prix faible, fabrication 100 % belge - l’Aéronautique Militaire (Aé. Mil.) en commande dix-neuf exemplaires. De 1923 à 1932, une cinquantaine de machines sont produites dans sept versions différentes et avec divers moteurs, entre autres pour des commandes privées.
Le Roi Albert et Stampe à bord du RSV 32/90. |
Renard, Vertongen, Wouters et Stampe devant l’Épervier. |
En 1926, le gouvernement belge lance un concours en vue de la sélection d’un avion de chasse de construction métallique. Alfred Renard décide de participer à ce concours avec un appareil de sa conception : le Renard Épervier. Il s’agit d’un avion monoplan à ailes hautes de conception avant-gardiste à une époque où la formule « biplan » est de rigueur. Deux prototypes sont construits : le premier dans les ateliers de Stampe & Vertongen, le second dans les ateliers de la SABCA.
L’Épervier construit par Stampe et Vertongen est toutefois détruit en octobre 1928, après que le pilote d’essai, Charles Wouters, ait sauté en parachute à la suite d’une mise en vrille intempestive.
En 1926, l’Aéronautique Militaire commande une série de dix avions RSV 26/180. Ces avions sont destinés à l’entraînement au vol de nuit et au pilotage sans visibilité, ce qui va nécessiter l’installation d’une instrumentation adéquate et une adaptation du cockpit. En 1929, une deuxième commande du même appareil est décidée, portant à 35 (dont six avions civils) le nombre de RSV 26/180 construits par Stampe et Vertongen.
Prototype RSV 26/140 avec moteur Minerva. |
RSV 26/180 avec moteur Hispano. |
En 1928, une dernière commande de vingt avions d’écolage RSV 22/180 - avion acrobatique d’entraînement avancé, destiné à remplacer les Morane Saulnier MS.35 - est venue compléter le cahier de commande de la société.
Edmond Thieffry et Philippe Quersin vont utiliser le RSV 22/180 en 1928, lors d’une nouvelle tentative de raid à destination du Congo. Des ennuis de moteur les empêcheront toutefois de renouveler l’exploit de 1926 et les obligeront à se poser en catastrophe dans des marais, à hauteur de Nîmes.
Le RSV 22/180 V-17 à Wevelgem. |
Le RSV 22/180 équipé pour le vol de nuit. |
À partir de 1930, l’école de Deurne va prendre de plus en plus d’ampleur. Jean Stampe et Maurice Vertongen ont été rejoints par Nagaut, un ancien de l’Aé.Mil. De 1923 à 1939, ils vont former 450 élèves, dont près de 300 par Stampe lui-même.
Quant à la partie construction de l’entreprise, elle connaît des temps difficiles. En effet, en 1928, Alfred Renard a décidé de voler de ses propres ailes. Réalisant qu’ils sont privés d’une importante capacité créative, Stampe et Vertongen se rendent à Londres pour y rencontrer le fameux constructeur d’avions, Sir Geoffrey De Havilland. Ils parviennent à obtenir la licence d’agent exclusif, ce qui va permettre à la firme anversoise d’importer plus de 30 appareils De Havilland.
Entre-temps, les deux associés ont déniché l’oiseau rare en la personne d’un jeune ingénieur d’origine russe, Yuri Ivanov , sur les recommandations du fils de Jean, Léon Stampe, pilote à l’Aéronautique Militaire.
En 1932, trois nouveaux modèles sont mis en chantier : les avions de tourisme S.V.1 et S.V.2 qui ne dépassent pas le stade de projet et un avion d’entraînement, le ST-26, appellation unique qui illustre le flottement causé par le départ de Renard. Par la suite, les avions garderont l’appellation ‘S.V.’ des deux partenaires Stampe et Vertongen.
Léon Stampe, devant le ST-26 de son ami Yuri Ivanov. |
Et devant le S.V.4. |
Après un nouvel exercice de style sur un RSV 32/90 modifié, appelé S.V.3, en vue d’une nouvelle tentative de raid vers le Congo, Stampe et Vertongen profitent d’une nouvelle commande de RSV 22 à équiper de moteur Hawker-Siddeley Lynx de 215 cv, pour en moderniser la cellule.
Copiant plusieurs des solutions du constructeur anglais De Havilland, Ivanov développe le S.V.4. Par rapport au RSV 32 de 1923, on en est à une diminution totale de 8 m² de surface portante, pour un appareil qui fait 30 cv de plus et pèse 80 kg de moins. Le premier vol, avec Jean Stampe aux commandes, a lieu le 17 mai 1933.
Cinq exemplaires de cet appareil sont construits. Ils servent d’avions de démonstration et d’entraînement dans les écoles de pilotage d’Anvers et de Bruxelles.
Léon Stampe effectue le second essai du S.V.4. |
Le S.V.4 (avec verrière) du Comte d’Ursel. |
En 1933, l’Aéronautique Militaire lance un appel d’offres pour un avion de liaison rapide et d’entraînement. Il est spécifié que l’appareil doit être biplan, biplace, de moyenne puissance et entièrement acrobatique.
Stampe demande à Ivanov de reprendre le RSV 22 afin de l’optimiser. L’avion est baptisé S.V.5 Tornado. Il est conçu et terminé en moins de cinq mois. Le S.V.5 est enregistré le 27 septembre 1933 et présenté au concours militaire le 16 octobre 1933.
Si l’on en croit les chroniqueurs de l’époque, le S.V.5 surclasse tous ses adversaires dans les épreuves de maniabilité et il est également le moins cher.
Contre toute attente, c’est l’appareil britannique Avro-645 qui est choisi.
En 1934, l’Aé.Mil. revoit toutefois sa position et renonce à l’acquisition des Avro. Douze mois plus tard, le gouvernement passe finalement commande de vingt S.V.5 auprès de Stampe & Vertongen.
Pour Stampe, qui a déjà réussi à vendre dix exemplaires de son appareil à la Lettonie, cette commande est, in fine, la consécration méritée du savoir faire de la firme anversoise.
Dix avions S.V.5 sont vendus à la Lettonie.
Période noire
En 1934, l’Aé.Mil. élabore un programme de sélection d’un « croiseur aérien », triplace, biplan, bimoteur, à train fixe. Stampe et Vertongen décident d’entrer dans la compétition. Le S.V.10 naît sur la planche à dessin d’Ivanov. Il est équipé de deux moteurs Gnome-Rhône en étoile, d’une puissance de 780 cv chacun. Jean et Léon Stampe effectuent les deux premiers essais en vol à Deurne.
L’avion « de chasse » S.V.10. |
Premier décollage du S.V.10. |
Durant le troisième vol effectué par Léon et l’ingénieur Ivanov, l’appareil fait un passage à basse vitesse à 300 m au-dessus de la plaine. Soudain, il amorce une vrille à gauche, redresse, et part en vrille à droite jusqu’au sol. Les deux hommes sont tués sur le coup. On ne saura jamais ce qui s’est passé. Cette tragédie met un point final au S.V.10 et Stampe et Vertongen décident de ne plus créer de nouveaux avions.
En 1937, Stampe se remet toutefois au travail. La conception d’un avion acrobatique, le S.V.4Bis, version totalement remaniée du S.V.4, en sera l’occasion. Cette période est détaillée dans le paragraphe des « Faits Marquants ». En effet, si Jean Stampe a toujours actuellement une telle notoriété dans le monde de l’aviation belge et internationale, c’est grâce au développement de ce fabuleux biplan d’entraînement et d’acrobatie.
Les dernières créations
En 1950, Jean et Hélène Stampe s’installent définitivement à Bruxelles, au Square du Bois. Jean en rêvait depuis son enfance. C’est au cours de la même année 1950 qu’ils sont victimes d’un grave accident de voiture. Hélène s’en tire sans trop de mal, mais Jean a la rate éclatée et doit subir une longue intervention chirurgicale.
Au milieu des années soixante, la Force Aérienne étudie le remplacement des S.V.4B. Ce programme a déjà été retardé à plusieurs reprises. En accord avec son associé Alfred Renard, Jean Stampe, qui a maintenant plus de 70 ans, propose à l’État-major plusieurs solutions.
D’une part, le S.V.4D : il s’agit d’un kit de modernisation monté sur l’avion de la société, le OO-SRS. Deux versions sont proposées : la première avec un moteur Continental de 165 cv et la seconde destinée à l’entraînement à la voltige de compétition, avec un moteur de 210 cv. Malgré le prix défiant toute concurrence, aucune des deux versions n’intéresse l’État-major.
D’autre part, la série des S.R.7 à S.R.9 : sachant le biplan démodé, Stampe et Renard proposent différentes versions du monoplan S.R.7 Monitor IV. Cet appareil a acquis ses lettres de noblesse en remportant diverses compétitions internationales d’acrobatie et un record de durée de vol inversé effectué en 1957, par le fabuleux pilote italien Lucien Biancotto.
Stampe amène le S.R.7 à Gossoncourt…en costume cravate.
Le S.R.7 au Musée de l’Air.
Stampe et Renard n’ont toutefois plus l’agressivité commerciale de leurs concurrents et c’est finalement l’avion italien Marchetti SF-260 qui obtient la faveur de la Force Aérienne.
Stampe fait encore étudier par Renard deux autres versions :
- Le S.R.10 est une version monoplace très allégée du S.R.7, avec un moteur de 280 cv équipé d’une hélice creuse en stratifié de type Stampe et Renard ;
- Le S.R.11 est un biplan également équipé d’un moteur de 280 cv. Cet appareil particulièrement performant ne sera pas construit en raison de la fermeture de la société.
La saga des Stampe a commencé en 1922 avec un biplan dessiné par Alfred Renard. Elle se termine 48 ans plus tard avec un biplan dessiné par le même Alfred Renard.
Épilogue
La société Stampe et Renard cesse ses activités en janvier 1970. La décision est prise d’un commun accord. À l’heure de la séparation, Jean Stampe dit à son associé : « Renard, nous avons commencé ensemble, et nous finissons ensemble ».
Il garde le S.R.7 Monitor et le S.V.4D, qu’il fait héberger à la SABCA à Gosselies avec la complicité du directeur, Mr. Bontemps. Il effectue ses deux derniers vols le 5 mai 1970, en solo sur le S.R.7 Monitor et en double commande sur le S.V.4D. Il a 81 ans.
Il sort de moins en moins de sa maison de l’Avenue Louise, s’occupe de ses roses dans son jardin, dont sa préférée a pour nom « St-Exupéry », la fleur du Petit Prince. À 81 ans, il conserve une forme physique étonnante. Suite à une hospitalisation pour une opération bénigne, son épouse Hélène fait une chute de son lit d’hôpital et succombe à une hémorragie quelques jours après.
Veuf pour la seconde fois, il reçoit régulièrement quelques amis, dont le Chevalier Willy Coppens de Houthulst et Madame Boidé, veuve de son ami le docteur. En 1972, il est victime d’un grave empoisonnement causé par un insecticide utilisé pour ses roses. Madame Boidé qui habite Paris vient s’installer à Bruxelles, car il se remet très difficilement. Elle deviendra la troisième Madame Jean Stampe.
Post Scriptum
Quelque temps avant son décès, une poignée de passionnés décide de faire voler ses chers avions le plus longtemps possible.
En France, dès 1972, Reginald Jouhaud a amorcé un mouvement de sensibilisation par des articles dans la presse aéronautique. En 1974, alors qu’il est président de l’Aéro-Club basque, Jouhaud crée le premier Club Stampe et organise le premier rassemblement : 47 équipages répondent à son appel, dont 17 sur S.V.4. Il consacre tout un livre à l’histoire de cet avion de légende.
D’autres clubs et activités aéronautiques voient le jour dans différents pays, dont la Grande-Bretagne, les États-Unis, les Pays-Bas et l’Allemagne. En Belgique, à Brasschaat d’abord ensuite à Deurne, Danny Cabooter entreprend de restaurer et de ramener sur le sol national autant de Stampe que possible. La première restauration est celle de son avion, l’OO-GWB. Son épouse Patricia en étudie la décoration en forme de plumage rouge, blanc et noir. Gérant de Dan Air, il crée à Deurne l’Antwerp Stampe Center.
En 1987, il récupère en Angleterre l’épave du S.V.4C n° 478 qui, après une remise en état complète, comprenant le remplacement du moteur Renault 4-P par un Gipsy et l’installation de la canopée S.V., est devenu l’OO-GWA peint aux couleurs d’un fictif V66.
En 1991, Danny Cabooter retrouve et achète aux États-Unis l’épave du S.V.4 n° 1 de la série française, qui vole à nouveau à Deurne dans sa livrée d’origine de 1945. Suit la récupération du V18 en août 1993.
Un groupe de propriétaires se crée à Anvers. Il est composé de MM. Milou Atlass, Karel Bos, Danny Cabooter, Guy Fosté, Jos Van Dyck et Mario de Brie. Ils ont construit, grâce à plusieurs sponsors, dont Karel Bos et la Région Flamande, un musée aéronautique Stampe & Vertongen rendant hommage aux trois grands pionniers aéronautiques flamands : Elza Leysen, Jan Olieslagers et Jean Stampe. Ainsi Anvers, et plus spécifiquement Deurne, le lieu de naissance des « Stampe », est redevenu le centre de vie des S.V.4 en Belgique.
III. Les faits marquants
La naissance du S.V.4Bis
L’année 1937 marque la naissance des premières compétitions internationales de voltige. Madame Elza Leysen, qui vole alors sur son S.V.32-G11, l’OO-AMP, décide que la Belgique ne doit pas demeurer en dehors de cette nouvelle discipline. Habitant Anvers et volant à Deurne, elle entretient des rapports étroits avec l’Antwerp Aviation Club de Jan Olieslagers où elle a appris à piloter. Elle y côtoie sans cesse Jean Stampe que la disparition de Léon a plongé dans l’immobilisme. Elle lui commande un avion de voltige S.V.5, mais reçoit un refus ferme. Elle insiste et au bout de trois mois, elle réussit à redonner à Jean Stampe le goût de l’aviation. Il lui démontre que le S.V.5 n’est pas une monture pour une femme. Avec son nouvel ingénieur, Demidoff, il compare le S.V.4 et le Tiger Moth et décide de remanier le S.V.4 sur les trois axes. De là naît le S.V.4Bis, « S.V.4B » étant l’appellation courante de l’avion. Le premier appareil recevra l’immatriculation OO-JAN en hommage à Jan Olieslagers.
Elza Leysen à bord du S.V.4 OO-JAN.
Les militaires qui sont à la recherche d’un appareil d’entraînement pour remplacer les Avro-504N sont également intéressés. Stampe présente l’avion d’Elza Leysen au concours d’évaluation en septembre 1937 et surclasse tous les autres concurrents.
Ce n’est toutefois qu’en avril 1939 que l’Aé.Mil. passe commande de 30 appareils après toute une série d’essais et de transformations sur un prototype, l’OO-ATC.
Durant le meeting international de Bruxelles, le 9 juillet 1939, le Lieutenant Philippart clôture le spectacle sur ce même appareil devant plus de 100.000 spectateurs. Sa prestation est qualifiée de « phénoménale » par les spécialistes.
Le premier S.V.4B sort d’usine en décembre 1939. Au déclenchement des hostilités, les appareils sont mis en caisse et le 5 juin, embarqués pour le Maroc au départ de Caen. Arrivés à Casablanca, les avions sont dispersés au sein des Forces Aériennes Françaises Libres. Cinq appareils sont livrés à la Force Publique du Congo Belge.
Le S.V.4B n° 4, OO-ATD, sera vendu au pilote de chasse Thierry d’Huart et servira à Mike Donnet et Léon Divoy lors de leur évasion vers la Grande-Bretagne, le 5 juillet 1941.
Lors de l’invasion du pays en 1940, Jean Stampe rejoint Paris où il devient conseillé technique chez Farman. Le 17 novembre 1939, la firme française avait en effet signé avec Jean Stampe une licence de production pour fournir 400 S.V.4B à l’Armée de l’Air et 200 S.V.4B destinés à l’Armée de Terre pour le réglage d’artillerie.
Au cours de la guerre, Jean Stampe sera fort actif dans la résistance en compagnie d’un des ingénieurs de la firme, Louis Bonte. Ils transmettront à la RAF des informations permettant de détruire dans les usines Farman, le hangar où était assemblé le quadrimoteur de bombardement Heinkel He-274.
L’après-guerre en France et en Belgique
Dès la libération, le gouvernement français met en place un plan de relance de l’aviation très ambitieux et très directif. Le choix du S.V.4C comme appareil de base devant servir aux civils et aux militaires est immédiat. L’État confie la construction des 700 exemplaires à la S.N.C.A.N. (Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Nord) dans l’usine de Sartrouville le long de la Seine. Le premier exemplaire sort le 4 juin 1945. Les deux premiers vols sont effectués à partir de l’hippodrome de Maisons-Laffitte. Jean Stampe effectue le troisième et puis le quatrième avec un passager, son ami Louis Bonte. Un dernier vol local de 55 min est accompli par Jean Stampe, le 27 juin. L’appareil est immédiatement versé à l’Armée de l’Air, à Cognac, qui le transfère neuf ans plus tard à l’Aéronavale, d’où il partira vingt ans après pour les États-Unis.
Le S.V.4C construit sous licence en France. |
Formation de S.V.4B belges. |
De retour en Belgique, Jean Stampe découvre que son usine de Deurne est complètement détruite. La R.A.F. a bombardé le terrain et les V1 et V2 ont terminé le travail.
De conception belge, le S.V.4 est choisi comme avion d’entraînement de base par la Force Aérienne. Stampe a reçu une lettre d’intention portant sur 20 S.V.4B. Des séries supplémentaires sont envisagées.
Stampe est seul et sans usine car Maurice Vertongen a décidé de ne pas se relancer dans l’aventure. Il prend contact avec son ancien partenaire, Alfred Renard, qui possède toujours ses ateliers à Evere. La Société Stampe et Renard est créée le 17 février 1947. La série est lancée ; les avions sont peints en orange vif et reçoivent les codes militaires V1 à V20 (V=Vliegschool). Surveillée de près par Stampe et Renard, la construction des appareils est irréprochable. Malgré son âge, Stampe assure en général le premier vol de l’avion ainsi que son convoyage à la Force Aérienne.
Le S.V.4B V42 de l’École de Pilotage Élémentaire à Gossoncourt.
Le 4 mars 1950, une nouvelle tranche de 45 appareils supplémentaires est commandée. Plusieurs générations de pilotes feront leurs premières armes sur cet appareil, d’abord à Schaffen, puis à Gossoncourt, sans se douter qu’il s’agit en fait de la plus belle histoire d’un avion de construction belge.
IV. Citations, anecdotes et témoignages
Citations de la Campagne de Belgique
Décoré de la Croix de guerre, le 16 avril 1918, pour le motif suivant : « Pilote habile qui ne cesse de faire preuve du plus grand courage et du dévouement le plus absolu au cours de 100 heures de vol au-dessus des lignes ennemies. A contribué au bon rendement de multiples missions d’observation, de tir et de photographies. »
Cité à l’Ordre du Jour de la 1ère Division d’Armée, le 18 septembre 1918 : « Au cours de nos opérations du 13 septembre 1918, survola à une altitude de 250 mètres au maximum, les organisations ennemies situées devant le front de la 1ère Division d’Armée pour en faire la reconnaissance et mitrailler des points où il constata la présence de l’ennemi. »
Nommé Chevalier de l’Ordre de la Couronne, le 4 février 1919, pour le motif suivant : « Officier pilote modèle, modeste, plein de courage, d’allant et de sang froid, au cours de plus de 200 heures de vol d’observation au-dessus des lignes ennemies, a effectué de multiples et importantes missions d’infanterie et de photographies. »
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Anecdotes
Extraits du livre « L’aviation belge et nos souverains » de Freddy Capron.
Un séjour aux États-Unis a encore avivé la passion de voler du Roi Albert. Le commandement de l’aviation militaire a mis trois pilotes à sa disposition : les lieutenants Henri Crombez, Jean Stampe et Jacques Ledure. Ainsi, une petite escadrille royale a été constituée et, bien qu’elle ne soit pas reprise dans les effectifs, cela ne l’empêche pas d’être très active.
D’abord composée de deux Spad biplaces, qui sont remplacés par des De Havilland 4 et 9, elle est dotée en 1922 de deux appareils plus modernes, il s’agit des Bristol à moteur Rolls-Royce de 300 cv, offerts aux souverains par la firme britannique. Chaque appareil porte le monogramme royal.
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Le Roi Albert se rendant à Deauville, le Lieutenant Stampe se trouve aux commandes de l’appareil.
Lorsqu’ils arrivent au-dessus de la plage où il compte atterrir, il s’aperçoit que la marée est haute ; d’autre part, l’hippodrome, seul endroit où il aurait pu se poser, est parsemé d’obstacles. Plutôt que de risquer un atterrissage dangereux, Stampe fait demi-tour. Il a remarqué, avant de traverser la Seine, le hangar du petit aéroport de Tancarville. C’est sur ce terrain qu’il atterrit. N’y trouvant âme qui vive, il gagne le village le plus proche, à la recherche d’un moyen de locomotion, laissant le roi près de l’avion.
En cours de route, longeant une rivière, il aperçoit un pêcheur à la ligne, derrière lequel se trouve une 5 CV. Il lui demande de le conduire jusqu’au Havre avec un passager. L’homme s’y refuse d’abord, mais quand Stampe lui apprend l’identité de son passager, il plante là ses lignes et ses poissons et ils regagnent ensemble l’endroit où attendait le souverain. Embarquant ce dernier et son pilote, le pêcheur s’excuse de sa mise négligée. Celle-ci le contrarie tellement qu’il s’arrête devant le chalet qu’il habite dans les environs et y fait entrer les deux passagers. Rapidement, il disparaît dans sa chambre. Une sonnerie retentit et un comique va-et-vient s’établit entre la chambre et la cuisine, à travers le salon.
Une vieille bonne, affolée, se confondant en excuses, passe une vingtaine de fois devant le roi et Stampe interloqués, avec les articles de toilette les plus divers.
Enfin, le bon hôte reparaît en habit et cravate blanche… Tableau ! Il invite cérémonieusement alors le roi et Stampe à reprendre place dans le véhicule.
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Le Roi Albert traverse plusieurs fois la Manche en avion monomoteur. Invité à un mariage, il décide de gagner Farnborough par la voie des airs. Comme les services météorologiques n’existent pas, il arrive que les pilotes soient pris au dépourvu. C’est le cas lorsque l’avion royal arrive au-dessus des blanches falaises de Douvres. Il tombe une pluie assez dense qui réduit considérablement la visibilité. En cours de route, ils survolent un aéroport militaire. Jean Stampe en fait plusieurs fois le tour, demandant au roi, par des signes de la main, s’il doit atterrir. Dans le même langage, le roi répond qu’il préfère continuer.
Ils poursuivent leur voyage sans encombre et atterrissent à Farnborough.
En descendant d’avion, le souverain constate qu’il a égaré son képi.
Le protocole exige qu’il ne se montre pas en uniforme tête nue ; la présence de journalistes, qui l’attendent aux abords de l’aérogare, n’améliore pas la situation. Fébrilement, Stampe explore le poste arrière de l’avion. Mais en vain… et pour cause !
Leur attention est soudain attirée par une voiture qui se dirige à toute allure vers leur appareil. Debout à côté du chauffeur qui fait fonctionner son klaxon, un officier anglais brandit… mais oui… un képi… celui du roi.
Ayant récupéré son couvre-chef, le souverain écoute le récit de l’officier britannique.
C’est en évoluant au-dessus du champ d’aviation militaire que le képi est tombé. Au sol, des aviateurs ont assisté à sa chute. En le ramassant, ils constatent avec surprise qu’il porte les insignes de lieutenant général belge ; comme ils savent qu’à l’époque aucun général n’est aviateur, ils en déduisent qu’il doit appartenir au Roi Albert.
Ayant appris que l’avion royal allait atterrir à Farnborough, ils s’y rendent en auto de grand sport. Nous connaissons la suite de l’histoire.
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En mai 1923, le Roi Albert assiste aux premiers essais du R.S.V. 32.90, à l’aérodrome d’Evere
Il s’agit de l’avion-école, doté du premier dispositif anti vrille, dessiné et construit par l’ingénieur Renard et les pilotes Stampe et Vertongen. Tenu au courant de cet « effort national », le Roi Albert l’a vivement encouragé.
Enfin, les premiers essais en vol révèlent que le R.S.V. 32.90 est en fait le meilleur type d’avion-école existant à l’époque.
Conquis par les qualités de l’avion, démontrées en vol, le Roi Albert manifeste son désir d’accompagner Stampe lors de son troisième « test ». Après plusieurs circuits au-dessus du champ d’aviation d’Evere, le souverain se déclare enchanté de la tenue en l’air de l’appareil et des performances réalisées.
Jean Stampe promet au roi de se consacrer désormais à la réalisation et à la construction des avions-écoles destinés à l’instruction et à la formation des jeunes pilotes.
Cette promesse, il la tiendra. En 1933, apparaîtra le très célèbre S.V.4B, qui vaudra à notre compatriote l’estime de milliers de pilotes belges et étrangers.
Témoignage de Willy Coppens de Houthulst
Jean Stampe était un ami fidèle, discernant la sincérité, rejetant le mensonge, refusant les combinaisons irrégulières. Sérieux, il possédait un bon sens instinctif, éprouvait le désir de chercher la meilleure solution, la plus logique. Aviateur jusqu’à la moelle, acrobate réfléchi, il conçut deux appareils d’école insurpassés, sur lesquels Lucien Biancotto gagna trois fois le championnat du monde d’acrobatie. Pilote favori du Roi Albert, ayant réalisé ses rêves de jeunesse, Stampe resta encapuchonné dans sa modestie naturelle. Les vanités humaines lui faisaient hausser les épaules, une lueur dans l’œil trahissant son ironie. Le regard de celui que ses amis appelaient « Johnny » est à jamais éteint.
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Bibliographie
Dossier militaire du Centre de Documentation Historique au Musée de l’Armée à Bruxelles.
Jean Stampe, article AELR N° 20, Willy Coppens de Houhulst, 1978.
Biographie Jean Stampe, Victor Houart, Biographie Nationale, 1984.
Les avions Renard, André Hauet, Bruxelles, 1984.
L’Aviation belge et nos souverains, Freddy Capron, Ed. J.M. Collet, Bruxelles, 1988.
Les avions Renard 1922-1970, André Hauet et Guy Roberty, Éditions A.E.L.R., Bruxelles, 1996.
Notice biographique de Jean Stampe, Michel Terlinden, Vol V Nouvelle Biographie Nationale.
La Force Aérienne, Ed. Lannoo, Tielt, 1992.
Les avions Stampe, Réginald Jouhaud, Ed. Wimpel, Amsterdam, 1999.
Divers articles parus dans la Conquête de l’Air, Wings et autres revues aéronautiques.
Documentation personnelle de Patrick Janssens de Vaerebeek et Danny Cabooter.
Album photos
Le Lt Stampe en discussion avec le Roi Albert.
Jean Stampe.
Stampe et Victor Boin au circuit de Belgique (1920).
Caricature de Jacques Ochs.
21 mars1920, Olympiades à Anvers, en Sopwith Camel.
En 1933, devant un Moth.
Stampe devant un des rares monoplans des associés Renard et Stampe, le RSV 18-100.
Jean Stampe, son épouse Hélène… et la famille Janssens.
Quelques années plus tard.
Les Manchots avec le Commandant Jean Feyten et le Capitaine Paul Christiaens.
Lucien Biancotto sur le S.R.7.
Le Commandant Léo Lambermont.
Perte d’hélice et atterrissage forcé à Faux-les-Tombes, le 40 ans plus tard, les mêmes, à Deurne avec 10 août 1967. Aux commandes, l’Adjt Edgard Auspert le propriétaire de l’avion, Danny Cabooter. avec le S/Lt Michel Mandl comme passager.
Le V33 fut exposé quelques années à l’aéroport national de Zaventem.