Ernest-Oscar Tips
I. La personnalité
Né à Tielrode (Flandre occidentale), le 2 octobre 1893
Breveté pilote d'avion en 1918
S'affilie aux Vieilles Tiges de Belgique en 1955
Est administrateur de l'association de 1968 à 1975 ; en est vice-président de 1969 à 1972
Décédé à Bruxelles le 10 mars 1978
Sa carrière
Durant 52 ans, de 1908 à 1960, il innove. crée, réalise. améliore de nombreux types d'avions.
Créateur d'une industrie aéronatique belge de réputation internationale grâce à des fonds propres et privés. sans aucune aide de l’Etat.
Engagé volontaire en 1914, passe en Grande-Bretagne via la Hollande et est engagé à l’Army Motor Lorries Company à Hayes.
Co-fondateur en 1915 de la société Fairey Aviation Company en Grande-Bretagne.
Fondateur en 1931 de la société anonyme Avions Fairey à Gosselies.
De 1932 à 1940, produit sous licence le Fairey Firefly, le Fairey Fox et le Hurricane Mk l qui équiperont l’Aéronautique militaire belge.
Dès 1935, conçoit, développe et construit les fameux avions de tourisme Tipsy.
Après le bombardement de l'usine Fairey de Gosselies en mai 1940, il passe en Grande-Bretagne après avoir emporté les documents précieux et avoir récupéré une partie de l'outillage qui avait été épargné dans le bombardement de l'usine.
Dès la libération du pays en 1944, il reconstruit les ateliers de Gosselies pour se lancer dans l'entretien et l'assemblage d'avions militaires. En même temps, il poursuit le développement et la construction d'avions légers de tourisme.
II. Biographie
- Né en 1893 dans une famille dont les activités sont vouées à la mécanique notamment la fabrication de bicyclettes (comme les frères Wright !). Ernest-Oscar Tips est le cadet de 13 enfants: son frère aîné est 20 ans plus âgé que lui.
- Débute ses études à Temse (Tamise) à I'institut St Willebrord.
- N'ayant que 14 ans au décès de son père, il va rejoindre son frère aîné Maurice à Bruxelles pour poursuivre ses études.
- En 1908 il construit avec son frère, dans un atelier rudimentaire en bordure de la plaine de manoeuvre à Etterbeek un avion dont les caractéristiques sont très audacieuses pour l'époque.
- ll construit également avec son frère des moteurs rotatifs et sans soupapes, formule révolutionnaire pour l'époque.
- Arrivé en Grande-Bretagne en 1914, il est engagé à la Army Motor Lorries Company. Il y devient contremaître dans la Division Aviation après avoir suivi des cours auprès de la firme Short Brothers.
- En 1916. il crée avec Richard Fairey la Fairey Aviation Company Ltd dont le siège est à Hayes dans le Middlesex.
Le 6 mai 1918, Emest-Oscar Tips obtient la licence anglaise de pilote N° RAC-UK 5904.
- Après la signature de l'Armistice en 1918, E.-0. Tips décide de rester en Grande-Bretagne au service de la société Fairey.
- Ernest-Oscar Tips rentre en Belgique pour fonder le 27 août l931 à Gosselies, la société anonyme Avions Fairey pour la construction de la lignée des avions Firefly commandés par l'Aéronautique militaire.
- En 1935, Ernest-Oscar Tips développe un avion de tourisme équipé d'un moteur léger de 12 CV. C'est un monoplan à aile basse dont le poids à vide est de 130 kg.
L'avion, baptisé Tipsy S. (Sport) est le prototype d'une série d'avions légers de tourisme et d'entraînement.
- En 1936, il produit le Tipsy S.2 équipé d'un moteur AVA 4A-00 de 27 CV. Sa licence de construction sera vendue en Espagne, en France, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Afrique du Sud.
- En 1937, devant le succès rencontré par le Tipsy S.2, Ernest-Oscar Tips développe une version biplace côte à côte pour l’entraînement. Ce sera le Tipsy B. Le 10 mai 1940. l'usine à Gosselies ayant été gravement endommagée par la Luftwaffe, Ernest-Oscar Tips récupère l'outillage qui n'a pas été détruit, des plans et des documents pour les emporter en Grande-Bretagne.
- Dès son arrivée, il est appelé par le Ministry of Aircraft Production et nommé Chief Engineer and Managing Director du Burtonwood Repair Depot. Puis en 1943 il passe à Fairey Aviation Co Ltd à Hayes où il est nommé Chief Expérimental Engineer and Chief Research Engineer du nouveau département hélicoptères
- Après la guerre, il s'attelle à la reconstruction de l'usine de Gosselies pour honorer les contrats d'entretien des avions de la Force Aérienne, l'assemblage de Meteor, Hunter et, en collaboration avec la SABCA, l'assemblage des F 104G et des F 16.
- En parallèle à ces contrats militaires, Ernest-Oscar Tips reprend le développement d'avions légers. Le Tipsy Belfair sera sa première production d'après guerre. Cet appareil sera détenteur du record mondial de distance pour avions de moins de 500 kg. En 1946, il lancera le Tipsy Junior
- En 1957, il conçoit le Tipsy Nipper, petit monoplan monoplace qui reçoit l'agréation du Ministère des Communications le 26 novembre.
La même année, la S.A. Fairey reçoit un contrat pour la révision des chasseurs-bombardiers F84F. Au total, 435 IRAN (Inspection and Repair As Necessary) seront effectuées de 1957 à 1963.
- Emest-Oscar Tips prend sa retraite en mars 1960 après 52 ans consacrés à l'industrie aéro-nautique. Décédé le 10 mars 1978 à son domicile à Bruxelles, son nom et son esprit inventif restent attachés à l'industrie aéronautique militaire et de tourisme.
III. Les faits marquants
- Ernest-Oscar Tips et son frère Maurice, passionnés par l'aviation, décident en 1908 de construire dans un atelier à Etterbeek un avion biplan.. Pour eux, tout est à découvrir ! Aucune école n'enseigne les sciences de l'aéronautique. Les formules qu'ils appliqueront ne seront souvent qu'empiriques. Audacieux et imaginatifs, les deux pionniers optent pour un aéronef d'un type différent de ce qui se fait d'habitude. Il sera du type « canard » (les surfaces de profondeurs sont à l'avant), équipé d'un moteur belge de huit cylindres en V de 48 CV.fabriqué par Pipe. La propulsion se fait à l'aide de deux hélices tripales contrarotatives à pas variable et réversible. Les vols d'essai devant avoir lieu à la plaine des manoeuvres d'Etterbeek à Bruxelles, les frères Tips ont installé un atelier rudimentaire en bordure de ce terrain. Le premier essai est un échec car le moteur trop lourd. déséquilibre l'avion en vol. Il est remplacé par un Gnôme rotatif de même puissance mais plus léger et l'avion ainsi motorisé fait plusieurs vols au cours de la semaine de l'aviation d'Anvers en 1909.
- Les frères Tips souhaitent donner à leur appareil la capacité de décoller verticalement. Pour cela, ils étudient l'installation d'une hélice (en fait un rotor) tournant dans le plan horizontal. Ils doivent y renoncer car ils ne trouvent pas de moteur assez puissant et léger pour réussir le vol vertical.
- L'avion « canard » vole assez bien mais sa maniabilité n'est pas satisfaisante, en partie en raison de la puissance encore insuffisante du moteur Gnôme.
Aussi, les frères Tips décident de développer leurs propres moteurs. Ce seront des moteurs de 35, 50 et 85 CV, rotatifs et sans soupapes, solution révolutionnaire pour l'époque. Dès 1909 d'ailleurs, la société Minerva achète la licence pour équiper de moteurs en ligne sans soupapes ses voitures qui rencontrent un grand succès. La vente de cette licence à Minerva permettra à l'entreprise des frères Tips de prendre de l'essor , mais l'invasion du pays par les Allemands en 1914 ruine leurs espoirs.
- Engagé volontaire en 1914, Ernest-Oscar Tips passe en Grande-Bretagne via la Hollande. Vu sa haute compétence dans le domaine des moteurs, il est engagé á l'Army Motor Lorries Company á Hayes dans Ie Middlesex et y devient contremaître dans la Division Aviation.
- Il se perfectionne dans le domaine de l'aviation en suivant une formation théorique chez Short Brothers, pionniers de l'aviation eux aussi. C'est là que Tips rencontre Richard Fairey lui aussi passionné par les techniques de l'aéronautique.
Ensemble, en juillet 1915, ils créent la Fairey Aviation Company Ltd dont Tips sera Ie premier employé. Dès le 16 février 1917 leur premier appareil sort d'usine. C'est le Campania, un hydravion de patrouille.
- La production s'accélère en 1917: le Fairey F2 sort le 17 mai 1917, l'hydravion N 10 le 5 juillet et le Fairey III le 14 septembre. En 1918, Fairey met 25 Fairey III en service actif ; c'est une lignée d'avions militaires parmi les plus réussies, d'après la presse spécialisée.
Le Fairey IIID, biplan doté d'un moteur Lion, peut être aussi bien équipé d'un train d'atterrissage classique que de flotteurs, le changement pouvant se faire rapidement.
Désireux d'être plus qu'un conseiller technique de la firme, Ernest-Oscar Tips décide de prendre lui-même la licence de pilote qu'il obtient le 6 mal 1918 sous le n° RAC-UK 5904.
- Ernest-Oscar Tips décide de rester en Grande-Bretagne après la signature de l'Armistice de 1918 et poursuit sa collaboration avec Richard Fairey qui apprécie son esprit inventif, sa vision des progrès techniques et ses qualités de collaborateur hors ligne tant á l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise. Tips est un homme hors du commun, aussi adroit pour mettre au point un moteur que pour fignoler le fini des avions qui vont bientôt s'affronter dans des compétitions aériennes, très à la mode dans l'après-guerre.
Après Ie Fairey IIID, I'usine va sortir successivement le biplan Flycatcher (chasseur amphibie embarqué) puis Ie Parnal Plover dont les forces britanniques recevront 30 exemplaires.
En 1924, la société produit pour la RAF le Fairey Fawn (bombardier de jour) puis le Fairey Fox, un bombardier plus rapide que les chasseurs de l'époque.
- Très bon conseiller, ingénieux et plein d'idées neuves, l’inventeur né qu'est Tips prend activement part aux études et à la réalisation de ces nouveaux matériels, en collaboration avec un autre belge, I'ingénieur Lobelle, resté lui aussi en Grande-Bretagne après la fin du conflit mondial.
- En 1924 encore, on conçoit chez Fairey un dérivé monoplace du Fox: le Firefly, dont Ie premier vol a lieu Ie 9 octobre 1925, deviendra après quelques retouches un avion de construction semi métallique doté du moteur Rolls-Royce F 1. Cette version sera présentée au meeting de Hendon auquel assiste une délégation belge qui sera impressionnée par les performances du Firefly. Ce qui décide aussitôt Richard Fairey a envoyer en Belgique son pilote d'essai Chris Staniland et son ingénieur Ernest-Oscar Tips pour présenter l'avion sur les aérodromes militaires d'Evere, de Schaffen et de Nivelle. Seize pilotes belges prendront l'avion en main et seront unanimes à conseiller la commande du Firefly.
- Suites aux bonnes performances démontrées pendant ces présentations, Ie gouvernement belge entame des pourparler avec la firme Fairey: des compensations économiques sont évoquées et il est exigé que la construction des avions se fasse en Belgique. La SABCA refusant d'entrer dans ce programme, Richard Fairey s'engage à installer une unité de montage en Belglque. Ceci est Ie tournant décisif de cette affaire. Ernest-Oscar Tips est chargé de prendre les contacts nécessaires en Belgique pour y créer une usine. C'est á partir de ce moment qu'Ernest-Oscar Tips devient un véritable pionnier de l'industrie aéronautique belge. Il va réaliser rapidement ce challenge sans intervention de l'Etat, avec des capitaux privés uniquement.
- Ernest-Oscar Tips rentre donc en Belgique en 1931 pour créer le 27 août, Avions Fairey s.a. au capital de 100.000 francs, qui s'établit à Gosselies dans les installations de la SEGA (société générale d'aviation, avec école et atelier) fondée par un as de la guerre, Fernand Jacquet qui est propriétaire de l'aérodrome adjacent. Les actionnaires principaux sont: la maison mère Fairey, Richard Fairey lui-même, E-0 Tips et la SEGA. La nouvelle société sera dirigée par Tips, et Jacquet en sera le Directeur commercial. Ernest-Oscar Tips venait de jeter les bases d'une industrie aéronautique nouvelle, spécifiquement belge.
- La Belgique commande 24 Firefly , les cinq premiers, construits en Grande-Bretagne sont livrés le 10 juillet 1931. Le solde de la commande, soit 19 appareils construits à Gosselies, sera livré le 27 juin 1932. Quatre autres commandes de Firefly II seront reçues : portant à 80 le total de ce type d'appareil sorti des chaînes de Avions Fairey s.a.
Parallèlement, le Gouvernement belge, qui doit remplacer les Bréguet XIX, passe à Fairey Aviation Co une commande de 12 Fairey Fox IIM dont les livraisons, venant d'Angleterre, commencent en janvier 1932.. Une commande complémentaire de 31 Fox II sera passée, mais cette fois à Avions Fairey à Gosselies.
Pour faire face à la menace des monoplaces de chasse très performants dont le Reich allemand s'équipe, un contrat est passé avec Avions Fairey pour apporter sur les Fox II des modifications améliorant les performances. Le dernier avion sera livré à Gosselies le 20 octobre 1934. En août 1935, l'équipage belge Caryn/Steens aux commandes d'un Fox atteindra en 15 minutes l'altitude record de 9300 mètres.
Pour augmenter le confort des équipages, Ernest-Oscar Tips dessinera une verrière pour les Fox III. Il concevra encore d'autres améliorations pour différents types de Fox. L'usine Fairey de Gosselles produira au total 199 avions Fox dont, en septembre 1939, 101 exemplaires seront en service clans neuf escadrilles opérationnelles.
Vu la sévère tension internationale, Avions Fairey développe d'autres avions de combat : le Kangourou, le Féroce et le Fantôme, plus performants , mais ces initiatives resteront sans suite malgré la menace allemande qui se précise. Après la crise de Munich, la Belgique passe d'urgence une commande directe à l'usine Fairey en Angleterre pour des avions Fairey Battle. Vu l'urgence, dans la hâte, la Belgique recevra en juillet 1939 vingt Hawker Hurricane prélevés sur la réserve de la RAF.
En juillet 1939 encore, la société Fairey de Gosselies reçoit une commande belge pour 80 Hurricane dont les voilures seraient fournies par la SABCA et les moteurs par Rolls-Royce. Malgré les prouesses des industriels, le premier de ces avions sera réceptionné au début de mai 1940. Le deuxième fut essayé en vol le 9 mai, le troisième était prévu pour le lendemain. Au matin du 10 mai, vers 5 heures, les installations de Avions Fairey sont bombardées par la Luftwaffe , l'usine est gravement endommagée.
- Parallèlement aux activités militaires de sa société, Ernest-Oscar Tips, grand amoureux des avions légers, se tourne à nouveau vers l'aviation de tourisme. En 1933 il conçoit et fabrique un monoplan à aile basse, monoplace léger d'un poids à vide de 130 kg. Il est équipé d'un moteur Douglas Sprite de 16 CV. C'est un prototype unique appelé Tipsy S (Sport).
En 1936, il met en production une version améliorée, le Tipsy S.2 équipé d'un moteur AVA 4A-00 de 27 CV. Une autre version sera dotée du moteur Saroléa Albatros de 32 cv ou encore d'un moteur Train de 40 cv. Les experts déclarent que cet avion, dont la maniabilité est excellente, est le seul appareil ultraléger acrobatique. Le Typsy S.2 sera produit en 19 exemplaires pour la Belgique et l'exportation et la licence de fabrication vendue en Espagne, en France, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Afrique du Sud.
En 1937, il conçoit un biplace côte à côte d'une très belle ligne destiné à l'entraînement qu'il baptise Tipsy B (ou Bc avec cockpit fermé). Tips cédera la licence des Tipsy B et Bc dans 18 pays. Quelques exemplaires tomberont dans les mains des Allemands en 1940 et feront les délices des pilotes de la Luftwaffe.
- En 1936, Ernest-Oscar Tips développe un avion d'entraînement pour l'écolage des pilotes militaires. C'est le type M. Précurseur en la matière, c'est un monoplan à aile basse, cockpit en tandem, équipé d'un moteur Gipsy Major de 130 CV. L'avion ne sera pas retenu par l'Aéronautique militaire qui donnera la préférence à un avion biplan belge, le SV 4 de Stampe et Vertongen.
- En juillet 1939, la S.A. Fairey Aviation est chargée de l'assemblage de 80 Hurricane Mk 1. La voilure doit être fournie par la SABCA et les moteurs par Rolls-Royce. Seuls deux appareils peuvent quitter la chaîne avant le bombardement de l'usine par la Luftwaffe le 10 mai à l'aube.
- Après le bombardement de l'usine, Ernest-Oscar Tips récupère les plans et une partie de l'outillage et se réfugie en Grande-Bretagne. Il est appelé par le Ministry of Aircraft Production et nommé Chief Engineer & Managing Director du Burtonwood Repair Depot. Lorsque les Américains prendront possession de la base en 1943, Tips avait 6.000 techniciens et ouvriers sous ses ordres. Il retourne alors chez Fairey Aviation Co où il est nommé Chief Experimental Engineer and Chief Research Engineer du nouveau département des hélicoptères. Il occupera cette fonction jusqu'en juin 1945. Il sera notamment impliqué dans l'étude du Gyrodyne, un combiné autogyre-hélicoptère qui, le 28 Juin 1948, battra le record du monde de vitesse sur base pour voilures tournantes en atteignant 198,88 km/h. Durant cette période, il fait aussi breveter de nombreuses inventions dont notamment, le distributeur de rubans brouilleurs de radars, destinés aux bombardiers alliés . Ces rubans métalliques largués par millions au-dessus des territoires occupés sont bien connus de ceux qui vécurent la guerre sur le continent.
- De retour en Belgique après la libération, Ernest-Oscar Tips s'attelle à la reconstruction de son usine de Gosselles saccagée par les Allemands avant de s'en aller. En juin 1945, la S.A. Avions Fairey est chargée de la révision de sept C47 qui seront affectés à l'unité de transport qui deviendra le 15 Wing. L'un de ces C47 sera aménagé en version VIP, recevra l'immatriculation K-10, OTCWE et transportera S.A.R le Prince Régent à travers le Congo Belge. L'usine se chargera aussi de la révision des Harvard, Spitfire, Mosquito et Anson militaires et du Junkers Ju52 de l'Administration de l'aéronautique.Ce sera la base de la relance de l'entreprise.
- La S.A. Avions Fairey sera aussi chargée de l'assemblage du Meteor 8 dont 240 exemplaires ont été commandés à répartir entre la Belgique et les Pays-Bas. La société devra investir pour des bâtiments plus grands, pour des outillages plus performants et pour les charges en personnel dont le nombre passe de 240 à pratiquement 2000. En 1954 elle s'associera avec la SABCA pour l'assemblage du nouveau chasseur de la Force Aérienne, le Hunter. Avions Fairey est responsable de la production de 256 fuselages dont elle assurera l'assemblage, les essais en vol et la livraison. Dans ce contexte, de nouveaux investissements sont faits notamment pour mettre en place deux chaînes d'assemblage. Le premier de ces appareils montés en Belgique fait son vol le 14 décembre 1955. Le dernier, un Hunter Mk 6, sera livré le 2 décembre1958.
En 1956, la Belgique ayant commandé 144 Hunter supplémentaires dans la version 6 à moteur Rolls-Royce Avon, la production en est entreprise à une cadence élevée et livrés entre le 10 juin 195 7 et le 2 décembre 1958.
- En 1957, l'usine est chargée de la révision et de travaux de maintenance (IRAN – Inspection and Reparation As Necessary) des avions F84F. Elle effectuera 435 IRAN de 1957 à 1963. En 1960, en partenariat avec la SABCA, Avions Fairey est impliquée dans la construction du F104G dont 289 cellules seront construites. Enfin, Aérospatiale lui confie des travaux dans le programme de l'hélicoptère Alouette II. L'usine occupa à un moment, 2000 personnes. Visionnaire, Ernest-Oscar Tips mit en service en 1958 un DH-89 Dragon Rapide qu'il avait modifié en l'équipant de flaps électriques, d'un radio compas, d'une canopée moulée, de fenêtres de cabine agrandies et d'une porte articulée pour le transport rapide de pièces détachées entre les sociétés impliquées dans le programme Hunter.
- Malgré cette charge de travail pour les contrats militaires, Ernest-Oscar Tips poursuit l'étude d'avions de tourisme. En 1946 il produit le Tipsy Belfair, version améliorée du Tipsy Bc d'avant-guerre. Puis viendra le Tipsy Junior d'abord avec moteur Jap de 36 cv trop peu puissant qui sera remplacé par un Walter Mikron de 60 cv.
- En 1957, Tips conçoit et produit le petit monoplace Tipsy Nipper, d'abord équipé du moteur VW de 25 cv puis du Pollman de 40 cv. L'avion sera appelé la "Volkswagen de l'air". Gosselies construira 78 Nipper, dont on vendra une soixantaine d'exemplaires avant de vendre la licence lorsque Ernest-Oscar Tips prendra sa retraite.
Avec ce petit avion, son concepteur réalisait enfin un rêve qui le tenaillait depuis toujours : réussir à concevoir et construire un avion aussi petit que possible, facile à piloter, peu coûteux à l'achat et à l'entretien, et qui pourrait au choix être acquis soit d'usine en version « prêt-à-voler » au prix de 115.000 francs belges, soit en kit à construire, au prix de 50.000 francs. Le rêve se réalisa avec le premier vol du Nipper 00-NIP le 12 décembre 1957.
Des Tipsy Nipper ont été immatriculés dans de nombreux pays dont la Belgique, la Grande-Bretagne, l'Australie, le Danemark, l'Allemagne, les Indes, la Finlande, le Portugal, la Zambie, les Amériques, le Congo, le Zimbabwe, la Suisse, la Suède.
- Ernest-Oscar Tips prendra sa retraite en mars 1960, mettant fin à une brillante carrière aéronautique couvrant d'importantes activités et responsabilités en Belgique et en Grande-Bretagne. On lui doit d'avoir mis sur pied une industrie aéronautique belge de réputation internationale tant pour l'aviation militaire que pour l'aviation de tourisme et de sport. Il en fut incontestablement une belle figure de proue. Il eut l'honneur d'accueillir, le 22 mai 195 1, le Prince Baudouin, futur Roi des Belges, qui s'intéressa à la méthode qui lui permit de redresser une entreprise démolie par la Deuxième Guerre mondiale.
Ernest-Oscar Tips est décédé à son domicile le 10 mars 1978. Il reste dans la mémoire de ceux qui l'ont approché comme un grand manager qui a contribué activement au développement de la Belgique.
IV. Bibliographie et témoignages
- TIPS Martin
Entretiens avec Martin Tips, fils de Ernest-Oscar Tips et documentation prêtée par lui.
- DENIDDER Guy et LORIAU Claude
Une maîtrise certaine du ciel .... (Plaquette)
Un raccourci de 50 années - Un véritable « Retour aux sources » de Fairey
- CUYPERS Raymond
Story Tipsy Nipper - Avril 1996.
- BOESMANS, Sous Lieutenant (Ecole Royale Militaire)
La société aéronautique Fairey et Sonaca en Belgique, des origines à nos jours.
- DUWELZ Yves
The Fairey Firefly Story - BAFIA Contact special n°2 - Septembre 1998.
- ANDERSEN P.I.R. (pilote d'essai chez Avions Fairey s.a.)
Catégorie (moins de 500 kg) - Centre de documentation du Comité national de propagande aéronautique.
- REGOUT Pierre
Un avion de construction belge bat le record du monde de distance en ligne droite -
Mr Ernest-Oscar Tips, figure de proue de notre industrie aéronautique - Airevue Janvier 1960.
- ICKX Lucien
Une visite au berceau des Tipsy : L'Echo des Ailes 10 juillet 1947.
Constructeurs amateurs, voici le Tipsy Nipper - Airevue, Février 1958
- KING H.F. (MBC)
Family of Faireys - Flight, 22 July 1955.
- PERNET André
La famille Tipsy - Model Avia - Novembre 1960.
- HUNTLE Ian
SMI Gosselies recollection - Fairey Firefly II M - Work/Fly/doc.
- DELLA FAILLE Jacques
Tout sur le Nipper - Mach Magazine n° 6 Septembre 1960.
Tipsy Trainer - Pilot, Septembre 1993 et différents articles et photos dans L'Aviation belge (Revue hebdomadaire).
V. Annexe Photos et documents
Caractéristiques particulières du brevet d'invention de l'aéroplane hélicoplane Système Maurice TIPS
Bruxelles, le 15 octobre 1908
- L'appareil était du type convertiplane. Il disposait d'une hélice horizontale permettant le décollage vertical et de deux hélices propulsives pour le vol horizontal.
- Les trois hélices tripales de construction métallique étaient réversibles et à pas variables en vol. Chaque pale était commandée par une biellette entraînée par un axe central, se déplaçant longitudinalement à l'intérieur de l'arbre de transmission. Ce système est similaire à celui utilisé sur la majorité des hélicoptères actuels pour la variation collective du pas.
- Train d'atterrissage tricycle. Les roues formant flotteurs étaient constituées de sphères creuses et étanches, pivotant librement sur leurs axes horizontaux. Elles permettaient à l'appareil de se poser et de décoller sur l'eau comme sur terre.
- La structure de l'appareil était réalisée en tubes d'acier brasés.
L’appareil en vol après l’abandon de l’hélice horizontale
Les concurrents ... Tips
Le très bel aéroplane de MM. Tips et Vleeminckx, qui était antérieurement un hélicoplane, parce que, composé d'hélices et de plans, - il possédait trois hélices dont deux hélices de propulsion et une hélice ascensionnelle, - a subi une petite transformation et est devenu aujourd'hui un simple biplan.
L'hélice ascensionnelle a, en effet, été supprimée
L'appareil, très solide, est particulièrement intéressant par les dimensions de sa construction, tout en acier et en nickel, par la mécanique des parties qui le composent, notamment celles de son gouvernail.
Il est d'une grande simplicité de direction et présente l'avantage de ne pas être plus lourd que l'aéroplane de Farman.
Comme au cours des expériences qui ont été faites, il a accompli plusieurs bonds successifs, il est, de l'avis des connaisseurs qui se sont rendus compte de ses principes de construction, destiné à un succès certain, dès que seront réglés quelques détails mécaniques.
Aussi attend-on avec impatience l'expérience définitive qui permettra de juger si toutes les parties de l'aéroplane répondent au but pour lequel il a été construit.
Monsieur Tips, l'inventeur qui appartient à une famille de mécaniciens, a eu l'occasion de se distinguer plusieurs fois dans la construction des bicyclettes et des automobiles.
Et quand le problème de l'aviation à son tour concentra toutes ses forces de recherches, il trouva dans Monsieur Vleeminckx, président de la Chambre syndicale des locomotives aériennes, l'appui et l'aide nécessaires pour réaliser la construction de l'appareil qu'il rêvait.
Description générale des moteurs TIPS
Les moteurs Tips sont à sept cylindres, rotatifs et sans soupape.
Refroidissement. - Le moteur étant rotatif, le refroidissement se fait par conséquent dans l'air, évitant ainsi la circulation d'eau.
Volant. - Le moteur par sa rotation, constitue un volant très puissant qui régularise la marche.
Description. - L'arbre sert de point d'attache du moteur et porte une double rangée de roulements à billes S.K.F. Dans cet arbre creux sont percés deux trous de graissage qui conduisent l'huile aux bielles, aux cylindres et aux roulements et séparément aux distributeurs.
Aspiration et échappement. - Les soupapes d'admission et d'échappements sont supprimées. On y substitue une distribution commune pour ces deux fonctions, réalisées au moyen d'un tube tournant qui sert en même temps de distributeur rotatif contigu à la culasse, assurant l'admission et l'échappement des gaz par un organe unique.
Le carburant est aspiré par des tubes distributeurs rotatifs qui amènent les gaz aux cylindres.
Le carburant chauffé dans le carter est maintenu à sa température grâce aux enveloppes en aluminium qui recouvrent les tubes d'aspiration.
La commande des tubes d'aspiration est obtenue par un pignon fixé sur l'arbre vilebrequin, le pignon actionne une couronne fixée à un des sept tubes sur lequel se trouve un engrenage qui actionne les six autres tubes par l'intermédiaire d'une couronne folle (breveté)
Le moteur est à quatre temps, au quatrième temps, l'évacuation se fait par un passage percé au travers du tambour rotatif qui communique avec l'air libre ou le silencieux (brevet Tips).
Magnéto - La magnéto à haute tension est commandée par des engrenages où s'attachent les fils sur les bougies , dans ces moteurs, on place aussi un second mode d'allumage sans distributeur avec magnéto à basse tension. Les bougies spéciales à rupteurs sont reliées entre elles par un fil unique, la rupture est commandée par le piston même.
Pompe à huile. - La pompe à huile est à engrenages, simples et robustes, le débit est réglable par un pointeau. La sécurité du graissage est absolue.
Graissage. - L'huile est amenée jusqu'au coeur de l'arbre coudé par un tuyau qui passe à l'intérieur de celui-ci , de là, l'huile passant par un orifice ménagé à cet effet, graisse les têtes de bielles, les boîtes à billes et suit sa course de lubrification au travers des bielles creuses, allant aux pieds de bielles, aux segments et aux pistons.
Bielles. - Les pieds de bielles et des biellettes sont attelés à des chapes se fixant aux pistons.
Nombre de tours. - Le nombre de tours peut varier de 180 à 1.300.
Montage - Le montage se fait suivant les modes usuels.
Mise en marche. - Une manivelle de mise en marche fixée sur le volant assure la mise en marche avec une grande simplicité et une indiscutable sécurité, évitant ainsi les dangers de la mise en marche par l'hélice. Les pignons de commande de la magnéto et de la pompe et les pignons de mise en marche sont enveloppés par un carter en aluminium qui empêche la graisse de s'échapper et l'eau d'y pénétrer.
Avantages du moteur Tips. - Un des grands avantages du moteur Tips est qu'il permet le graissage à l'huile ordinaire et non à l'huile de ricin, réalisant ainsi une appréciable économie (80%.)
L'absence des soupapes permettant d'avoir des cylindres absolument étanches, aucune projection d'huile n'est à craindre. L'absence des soupapes et de carburateur supprime le danger des retours-flamme, cause de nombreux incendies ayant provoqué des accidents mortels.
La suppression des cames, des tringles de commande, de tout mouvement alternatif, des commandes, des pivots et des ressorts, simplifie beaucoup le moteur et en ôte les principales causes de pannes. Grande diminution dans la consommation d'essence et d'huile.
Telle est la description générale des moteurs Tips. Voici maintenant les particularités de chaque type.
1936 – Le Tipsy S.2
Production d’Ernest Oscar Tips
La structure de l’aile
Plan du prototype Tipsy S-2
En 1943, Ernest-Oscar Tips est nommé Chief Experimental Engineer and Chief Research Engineer du nouveau département des hélicoptères chez Fairey en Grande-Bretagne.
Production dans l’immédiat après guerre 1940-1945 à Gosselies
Histoire du Tipsy NIPPER
Le Nipper, qui signifie en anglais « mioche », surnom donné par Ernest-Oscar Tips à son premier petit-fils, devait être, d'après son concepteur, le plus simple possible, les performances passant au second plan, d'un faible coût de production, facile à piloter et pouvant être construit en usine ou par des amateurs avertis.
Chez le prototype, il était prévu que la queue et l’aile puisse être repliées pour réduire l'encombrement dans un hangar et les frais de stationnement sur les aérodromes, mais ce projet fut abandonné vu les contraintes techniques rencontrées.
Le cockpit était très étroit, la poutre maîtresse passant au-dessus des genoux du pilote- Des espaces furent aménagés à la naissance des ailes pour les coudes.
Le premier vol d'un Nipper eut lieu le 12 décembre 1957 aux mains de Bemard Neefs, pilote d'essai de l'usine.
Par la suite il le présenta dans différents meetings aériens où l'avion fit la démonstration de sa grande maniabilité et de ses qualités acrobatiques malgré la faible puissance de son moteur.
Fort impliquée dans le programme du F-104G pour la Force Aérienne, l'usine ne pu construire que 78 appareils.
La licence fut vendue à COBELAVIA en 1962 et changea de mains en 1966 quand la Nipper Aircraft Ltd fut créée à Castle Donington en Grande-Bretagne. 30 avions furent construits ; après quoi, seuls les plans de construction furent livrés aux constructeurs amateurs.
Le Tipsy Nipper livré sous forme d’éléments préfabriqués
Projets abandonnés
- 1935 ( ?) – Etude d’un bimoteur léger.
Bimoteur dont la construction était prévue en bois.
Il aurait été équipé de cinq sièges et dans sa version ambulance, de 4 civières ;
Motorisation : deux moteurs Walter Mikron II
- Tipsy Tudor
Vue d’artiste d’un bimoteur, biplace en tandem.
Construction prévue entièrement métallique.
Etudié comme avion d’entraînement pour pilotes privés.
Assemblage d’avions de chasse pour la Force aérienne et travaux de révision
En 1971, une commission de l'asbl « Les Vieilles Tiges de Belgique » composée de Monsieur Ernest-Oscar Tips, du Dr Van Keerbergen et de Monsieur Van Mossevelde, prit l'initiative de demander l'émission d'un timbre spécial qui représenterait l'avion conçu par les frères Maurice et Ernest-Oscar Tips en 1908. La pré-vente du timbre d'une valeur de 10 Fr, eut lieu les 19 et 20 mai 1973. L'insigne de l'association est représenté dans le coin inférieur droit du timbre. Un exemplaire est conservé dans le Tome 1 du Livre d'or.
C'est au début de 1908 que Maurice et Ernest-Oscar Tips décidèrent de construire un avion d'une conception originale. Ils firent d'abord quelques essais avec un planeur biplan, tout en bambou et fils d'acier, entoilé de coton. Les résultats prouvèrent qu'il fallait une construction beaucoup plus solide. |
Appendice
Un avion de construction belge bat le record mondial de distance en ligne droite
Catégorie 1A (moins de 500kg)
Constructeur : |
E.O. TIPS |
Pilote : |
P.I.R. ANDERSEN |
Distance parcourue : |
2. 632,5 km |
Trajet : |
Chièvres (Belgique) – Sidi-Ifni (Maroc) |
Avion : |
Tipsy Belfair |
Moteur : |
Walter Mikron II – 60 CV |
Durée du vol : |
18 heures et 35 minutes |
CHIEVRES - SIDI IFNI
2.632,5 Km sans escale en Tipsy Belfair
Le 4 août dernier le pilote Andersen pilotant un avion Tipsy Belfair, a battu le record de distance en ligne droite pour avion de moins de 500 kg sur le parcours Chièvres-Sidi Ifni La distance parcourue a été de 2.632,5 Km.
En 1950 notre doyen des aviateurs, Albert Van Cotthem, avait sur un avion du même type battu le record existant en le portant à 945 Km. Depuis, la palme lui avait été enlevée par deux.fois, la dernière fois par R. C.. Fraes (USA), avec une distance de 2.191 Km.
Andersen est le pilote d'essai des usines Fairey à Gosselies. Il est danois. Son air enfantin et sa gentillesse nous font penser aux personnages des contes de notre enfance.
Le Tipsy conçu et construit à Gosselies dès avant la guerre reste un appareil remarquable. Ce monoplan à aile basse a une vitesse de croisière de 160 Km/h et une vitesse de pointe de 175 Km/h. Son plafond est de 5.000 mètres et son décollage ne nécessite que 80 mètres de roulement. Pour la tentative de record, un réservoir d'essence supplémentaire de 195 litres fut monté. La contenance du réservoir d’huile fut portée à 18 litres.
La traînée fut réduite d'une manière appréciable par ponçage et polissage.
Nous publions ci-dessous, dans son intégrité, le rapport du pilote Andersen. Nous savons que ce récit enthousiasmera tous les jeunes belges.
Ce qui fut beau aussi, c'est l'enthousiasme de tous ceux qui s'occupèrent de la préparation du raid, depuis le patron de l'usine jusqu’aux mécanos qui formèrent une équipe homogène animée du désir commun de voir réussir la tentative
Centre de documentation du comité national de propagande aéronautique
Récit du pilote Andersen
1. Préparation du raid
Avant d'entreprendre celui-ci, l'avion qui n’était pas un appareil neuf, fut soigneusement inspecté et de petites modifications y furent apportées.
Un indicateur de température de cylindre remplaça l'habituelle température d'huile. Une jauge d'essence supplémentaire fut montée sur le côté du réservoir et on installa un altimètre plus sensible sur les conseils de M. Boel. On monta une boussole de secours à la place d'une P.4, on enduisit la partie supérieure de l'habitacle, le capotage du moteur et le réservoir auxiliaire de couleur afin d'éviter la réverbération. Une mise au point poussée du moteur se fit, on changea le carburateur et une béquille spéciale diminuant la traînée fut montée.
En même temps, le planning du vol commençait. Aussitôt la route choisie, les cartes et autres documents s’y rapportant s'amoncelèrent. On obtint l'autorisation de survoler le territoire français de nuit sans radio ni feux de position. La Belgique donna aussi son accord. Un barographe spécial d'une endurance de 30 heures nous fut gracieusement prêté ainsi que divers autres instruments.
Tous ces préparatifs constituèrent un gros travail et tous ceux qui y prirent part y trouvèrent chaque jour un intérêt nouveau.
Le début du mois d'août semblait la période la plus favorable pour cette tentative. Les journées étaient relativement longues et la pleine lune favoriserait le vol. Les conditions atmosphériques idéales en juillet se détériorèrent vers la fin du mois et le 3 août, il pleuvait, toutefois le vent, tel que souhaité, soufflait du nord. Malheureusement, la météo prévoyait que la pluie provenant du front froid qui couvrait la région avancerait sur notre route et vers minuit se trouverait aux environs de Paris.
Ce n'est que le 2 août que l'autorisation officielle nous permettant de survoler la France de nuit nous parvint.
Avant cela, nous ne pouvions espérer obtenir une réponse semblable des autorités belges et encore moins, décoller de Gosselies qui n'était pas équipé pour le vol de nuit. Toutefois, grâce à l'Aéro Club Roval de Belgique, à l'intérêt et l'appui apporté à cette tentative par les autorités officielles tant civiles que militaires, tous les documents nous parvinrent endéans les 24 heures mais l'intention de décoller de notre base comme au bon vieux temps, à l'aide de lampes tempêtes, ne put se matérialiser ; ce décollage devait se faire d'un aérodrome complètement équipé. Tout fut donc transféré à Chièvres.
Tout le monde sur le pont, je décolle
Le 3 août, après dîner, se terminèrent les derniers préparatifs et nous étions, théoriquement, à même de décoller à n’importe quel moment. Tout dépendait des conditions atmosphériques.
Au fur et à mesure que le jour avançait, l'opinion des météorologistes, quant à l'intensité du front froid, devenait de plus en plus optimiste et à 18,00 heures, après avoir reçu les dernières informations, je décidai de partir à l'heure prévue, cette même nuit. La bascule destinée à peser l'avion ainsi que carburant nécessaire furent chargés sur un camion qui, à 19,00 heures, faisait la route vers Chièvres. A 20,30 heures, décollant de Gosselies, je suivais avec l’avion.
Le commandant de base, les services de contrôle et de météo nous rendirent notre tâche infiniment plus aisée grâce à l’aide immense qu'ils nous apportèrent. Des nouvelles de notre cauchemar - le front froid - nous furent transmises continuellement et des indications sur les vents et les QNH de la route nous parvinrent sans arrêt. Le major Meeus, le commandant Bonnet et le lieutenant Trémerie nous épaulèrent d'une manière magnifique. Nous pûmes disposer d'un hangar pour la pesée de l'avion et un délicieux café préparé au mess nous tint éveillés toute la nuit. Monsieur Jansen, Directeur Général de la régie des Voies aériennes, s'était déplacé à Chièvres pour assister à l'envol. Lors du pesage, plus de 100 personnes se trouvaient réunies , toutes portaient un intérêt égal au vol qui se préparait et en discutant les chances de succès. Personnellement, j'étais convaincu que, pour autant que le moteur tiendrait bon, tout se déroulerait suivant les plans prévus. A minuit trente, on sortait le Belfair du hangar, allumait le balisage et peu de temps après, tout le monde se trouvait sur la piste.
D'après mes derniers calculs, les réservoirs seraient à sec en un point situé à mi-chemin entre Sidi-Ifni et Cabo Juby. Le plan de vol portait donc comme destination, Sidi Ifni à 2,632,5 Km de Chlèvres.
A 00,55 heure, un au revoir général, la ceinture et les bretelles étaient bouclées. Le barographe qui avait été scellé auparavant fonctionnait normalement, on me passa mes cartes, mon compteur et un appétissant sandwich. On ferma l'habitacle. La lune brillait et la visibilité était bonne. Un vent de N-0 de 10 Km/h soufflait. Deux minutes après, le moteur était mis en marche, un essai rapide après avoir atteint la température optimum -enlevez les cales - un dernier regard d'adieu, plein gaz, et le vol était commencé. Heure de décollage : 23,55 GMT (00,55 heure locale), le 4 août 1955.
2. Le vol - La vie à bord - Des émotions
Dès que j’eus atteint une certaine vitesse, je pris mon cap, contrôlai l'heure et grimpai à 900 pieds, altitude que je devais conserver toute la nuit.
Ouf! Depuis le début des préparatifs, je m’étais souvent demandé si l'heure H arriverait un jour. A un certain moment, la situation paraissait désespérée mais à présent, plus de contact avec le sol pour les 20 prochaines heures.
Le temps qu'il me faudrait pour rattraper le front et éventuellement rentrer à Chièvres avait été calculé et pour me permettre de retrouver l'aérodrome et d'atterrir, on maintint la piste éclairée.
Après 27 minutes de vol, je pris le cap à tenir durant toute la traversée de la France et quelques villes et un aérodrome me permirent de contrôler ma position.
Après la frontière française, la visibilité devint moins bonne et fut réduite par moment à 3 kilomètres. Aucune des lumières de Paris - la ville lumière - à 10 Km de la route ne purent être aperçues. A 01,45 heure (GW), l'avion se trouvait à l'est d'Orléans où, d'après les prévisions, je devais rencontrer le front froid, mais la lune brillait toujours.
Vers 2 heures du matin, l'horizon s’assombrit et en peu de temps les nuages du front se dressaient devant moi. En 5 minutes, je me trouvais entre deux couches de nuages et quelques instants après, la pluie commença à tambouriner sur le pare-brise. A partir de ce moment, je dus voler uniquement aux instruments.
Mon tableau d'instruments de PSV consistait tout simplement en un altimètre, un indicateur de vitesse et une minuscule mais sensible bille aiguille électrique actionnée par une petite pile de 4 volts. Une torche, tenue de la main gauche, me permettait d'éclairer tout le tableau de bord.
Quinze minutes dans les nuages - un peu de pluie - et je me retrouvai entre ceux-ci. La couche inférieure était-elle des nuages ou du brouillard ? D'où je me trouvais, il m'eut été difficile de le certifier. Pendant quelques instants je pus apercevoir la lune – quelques moments de détente - et à nouveau IFR.
Cette fois, il n'y avait pas de pluie mais les nuages étaient très sombres. A trois heures enfin, le front - mon cauchemar - était passé. A aucun moment je n'eus de réelle raison de faire demi-tour, une atmosphère calme malgré la présence des nuages ne me créa pas de difficultés pour maintenir l'avion ou pour garder le cap. Le temps s'éclaircit assez vite, les nuages se dissipèrent et une brume les remplaça mais l'emploi de ma torche se révélait toujours nécessaire.
Les seuls repères visibles - les lumières des villes - étaient rares et difficiles à pointer. On ne distinguait ni les routes ni les cours d’eau et de ce fait,. je ne pouvais que suivre ma boussole mais le moral était au zénith.
Afin de voler aussi économiquement que possible, nous avions installé les gicleurs minima. C'est pour cette raison que le moteur ne tournait pas comme de coutume, j'en connaissais l'origine mais Je me demandais de temps à autre s'il n'allait pas me lâcher. A la longue, je m'y habituai et n’y pensai plus.
Vers trois heures et demie, la visibilité s'améliora et quelques minutes avant quatre heures, je traversai la Gironde, environ à 10 Km de Bordeaux. Lentement, l'aube pointa à l'est. J'étais maintenant sûr que les Pyrénées seraient traversées de jour comme nous l’avions prévu puisque nous avions calculé l'heure de décollage de Chièvres d'après le lever du soleil à Biarritz.
Comme prévu, la région au S-W de Bordeaux était couverte de nuages bas ou de brouillard. Toutefois, de temps à autre, je pouvais apercevoir le bord de la mer.
Lorsqu'il fit suffisamment clair pour pouvoir voler dans des conditions normales VFR, je
commençais à grimper vers l'altitude de sécurité pour la traversée des Pyrénées. A 5000 pieds, je survolai une couche de strato-cumulus dont les sommets se trouvaient à 1000 ft au-dessus de mon Tipsy puis, je grimpai jusqu'à 7000 pieds en volant parallèlement aux nuages qui s'élevaient continuellement. L'heure suivante se passa à 8000 pieds. Durant toute la nuit, la température au poste de pilotage resta constamment agréable mais ici, au-dessus des Pyrénées, il faisait très froid. Je remerciai en pensée Melle Tips et ma femme pour les deux écharpes de soie qu’elles m'avaient données avant mon départ. Le soleil pointait au-dessus de l'horizon mais sa chaleur ne me parvenait pas encore. Les Pyrénées étaient entièrement recouvertes de nuages et des turbulences commencèrent à se faire sentir.
3. Au-dessus de l'Espagne
Les nuages se dissipèrent et j'aperçus l'Ebre à un point situé à 3 Km à l’est de la route prévue. L'avance sur l’ETA se chiffrait à une demi-heure avec une consommation d’essence tout à fait normale et j’étais vraiment heureux.
Plus au sud, la visibilité se détériora légèrement mais jamais elle ne tomba en dessous de 5 kilomètres.
La turbulence rencontrée au-dessus des Pyrénées s'intensifia avec la montée du soleil. La température dans l'habitacle augmenta graduellement et devint très agréable mais il s'écoula quelques temps avant que je ne me réchauffe. Plus tard dans la matinée, après avoir recouvré l'usage de mes membres, j'échangeai mes pantalons de toile contre des shorts, qui étaient les seuls effets personnels que j'avais pu emporter à cause du poids.
J'arrivai à hauteur de Gibraltar vers 11 heures et au fur et à mesure que je traversai le Détroit, l'air devint plus calme et je me permis de laisser planer l'avion vers une altitude plus douce.
Un grand bateau citerne croisait dans le détroit et au même moment, je pus apercevoir une bande de dauphins qui s'ébattaient. Encore quelques instants et je survolai le contient africain.
Les deux tiers du vol étaient maintenant derrière moi, mais j'avais encore sept heures de vol à effectuer. La consommation d'essence tenait ses promesses et les ETA étaient exacts. La dernière partie du voyage me faisait longer la côte N-W de l’Afrique en passant par Tanger, le Maroc espagnol, le Maroc français pour aboutir à Sidi Ifni,
Durant tout le survol de l'Espagne, l'atmosphère avait été très turbulente mais le soleil d'Afrique créa des turbulences bien plus désagréables. J'avais été pris rapidement dans ces remous que je n'avais pas eu l'occasion de resserrer mes bretelles pour une telle éventualité mais maintenant, il était trop tard !
4. Au-dessus du Maroc français
Je ne rencontrai qu'un Dakota et trois Neptunes américains. Une heureuse coïncidence me permit de m'entretenir avec le pilote du Dakota à mon atterrissage à Sidi Ifni. Il s’efforça de m’expliquer qu’il effectuait régulièrement ce trajet et que jamais il n'avait été si secoué et qu’il avait gagné ou perdu 600 pieds d'altitude en l'espace de secondes. Tout ceci je le compris plutôt par ses nombreux jeux de bras et de mains que par son flux d'espagnol. Donc le phénomène était tout à fait exceptionnel et je me demandais comment un appareil aussi léger que le Belfair pouvait résister à des chocs pareils.
Une des secousses parmi les plus brutales me fit cogner de la tête le dôme de l’habitacle, mais revenu de mon émotion, je constatai que la température cylindre dépassait 400° alors que 250° était la limite. Croyant que de l'essence avait été projetée sur le moteur et avait occasionné un incendie, je réduisis les gaz, diminuai ma vitesse, pris mes gants de cuir et redescendis vers les 400 pieds mais je ne sentais aucune odeur anormale dans l'habitacle. Je choisis un endroit propice près d'une ferme dans l'éventualité d'un atterrissage forcé, mais mes soupçons d’incendie ne se confirmant pas, je remis graduellement les gaz et continuai le vol. Un peu plus tard, l'indicateur de température se mit à osciller et je me rendis compte qu'il était défectueux. (On remarqua plus tard que le contrepoids de l'aiguille s'était brisé).
Près de Port Lyautey, au Maroc français, la côte s’incurve vers l’ouest, s’écartant de ma route et je continuai donc par-dessus Rabat et le nord du Sahara.
5. Le grand moment
A deux heures et quart, j'aperçus la rivière Oum Er Rbia qui de Chièvres représentait la distance requise pour battre le record précédent, et ceci fut le Grand Moment: 14h26, je traversai la rivière ! J'attendais avec impatience le moment où je pourrais enfin envoyer le télégramme de la bonne nouvelle.
Une heure plus tard je me trouvai à hauteur de Marrackech et m'approchai bientôt de la chaîne de montagne située au sud de cette ville et s’étendant jusqu'à la mer. Quelques sommets atteignent plus de 12.000 pieds au-dessus du niveau de la mer - le sol devint de plus en plus désertique et les parties teintées de vert de la carte n'étaient pas, comme dans nos latitudes, des bois, mais des buissons épars représentant l'unique végétation.
Après quatre heures de vol au-dessus de ce pays sauvage et inhospitalier, j’atteignis à nouveau la mer à quelques kilomètres d'Agadir. Je suivis la côte jusqu'à Sidi-Ifni où j’arrivai à 17.30 GNIT (18h30). Sidi-Ifni est situé au bord de l’Atlantique et est protégé des sables du Sahara par une petite chaîne de montagnes. Une large route s’arrêtant soudainement de part et d'autre de la ville, marque la limite entre les quartiers arabes et espagnols.
Le champ d'aviation, au sud de la ville, est rocailleux, dur et en grande partie recouvert de petits buissons et de cactus. Il est entouré de sable rouge et jaune et les quelques rares arbres poussent dans la partie espagnole de la ville.
La jauge indiquait trente litres, soit 11 litres de plus que ce qui avait été calculé et ouvrait la possibilité d’atteindre Cabo Juby, 3 10 kilomètres plus au sud.
Toutefois, il n'avait pas été possible d'obtenir des cartes de la région au sud du 30ème parallèle. Des demandes faites à Londres. Paris et Bruxelles n’avaient donné aucun résultat. Pour les derniers 80 kilomètres jusqu'à Sidi-Ifni, j'avais employé une carte routière Michelin au 1/1000.000 et pour Cabo Juby, j’aurais du me servir d'une carte au 1/3.426.400. Nous n’avions jamais pensé durant les préparatifs pouvoir atteindre Cabo Juby et cette carte n'avait été emportée que pour avoir une idée vague de la région au sud de notre but: Sidi-Ifni, Toutefois, comme je pouvais atteindre Cabo Juby avec trente litres, je décidai de continuer.
La demi-heure suivante, en longeant la côte, je dépassai des groupes de chameaux en plusieurs endroits ainsi que quelques arabes, mais à part ceci, il n'y avait que le sable et la mer.
Mes cartes n’étaient pas d'une grande utilité, la côte était représentée par un trait droit alors qu'en réalité elle était fort découpée. Je commençais à douter de l'existence d'un terrain d'atterrissage à Cabo Juby. Peut-être pendant la guerre y en avait-il existé un et de là la raison pour laquelle il se trouvait sur la carte. Je décidai de rebrousser chemin sur Sidi-Ifni et regrettai de ne pas avoir pris en considération une consommation moindre que celle calculée. Avant battu le record, il eut été ridicule de risquer un désastre, sans carte et par-dessus un terrain inconnu.
Une heure après avoir passé Sidi-Ifni, je me retrouvai à nouveau au-dessus de cette ville. Je virai autour de l’aérodrome et observai un Ju-52 approchant au sud et atterrissant directement sans faire de circuit.
A 18.30 GMT (19h30 locales), je posai mes roues après un vol d'une durée de 18 heures et 35 minutes.
Cela valait bien un verre de bière
Quoique le champ paraissait assez mal pavé d'en haut, je ne m’attendais pas à ce qu'il soit couvert d'aussi grosses pierres. Je fis un atterrissage queue haute et maintint l'avion dans cette position aussi longtemps que possible. Comme le Junkers n'avait atterri que quelques minutes auparavant, les douaniers attendaient. Malheureusement, le plan de vol de Chièvres n'était pas arrivé, il ne fut reçu que deux heures après mon atterrissage. Je ne parvins pas à persuader les autorités de l'aérodrome que j'avais effectué un vol sans escale depuis la Belgique dans un avion de cette dimension et ils essavaient de toutes les manières possibles de me faire admettre que je venais de Casablanca, Rabat ou Marrakech - je refusai. Ayant abandonné, ils m'offrirent un verre de bière et partirent. Finalement, le plan de vol arriva ce qui mit tout le monde d'accord. Ils gardèrent mon passeport et les papiers de l'avion durant tout mon séjour à Sldl-Ifni.
Le champ n'était pas souvent utilisé par des avions autres qu'un Junkers militaire appartenant à la base et un Dakota de la ligne Casablanca-Canaries. Par conséquent, l'arrivée d'un avion léger belge comme le Tipsy Belfair 00-TIC, était tout un évènement et le fait d'arriver sans escale de son pays d'origine en augmentait encore l’intérêt.
Quand enfin j'en eus terminé avec la douane, envoyé un télégramme à Monsieur E. 0. Tips, fait vérifier les papiers par les autorités et rempli les formalités de contrôle, je quittai l'aérodrome en compagnie de quelques officiers espagnols qui, comme j'avais pu comprendre, m’avaient invité à dîner.
Bien que n’étant ni lavé, ni rasé depuis le jour précédent, je passai une agréable soirée en leur compagnie et c'est à regret que je déclinai leur invitation de faire connaissance avec Sidi-Ifni la nuit.
La chaleur, les mouches et les moustiques agitèrent mon sommeil et me firent lever beaucoup plus tôt que je ne l’avais espéré.
Le matin, j’échangeai mes chèques de voyage. Pour ce faire, on dut amener l'officier de douane avec mon passeport. Il s'en retourna d’ailleurs toujours en possession de mes pièces d'identité. L’après-midi, on fit le plein du Belfair et je fus surpris de découvrir qu'il ne restait que 3 litres d'huile. Jamais, la veille, n'aurai-je atteint Cabo Juby.
Il restait pour deux heures de carburant et un calcul me montra que la consommation
moyenne du vol avait été de 9,26 litres à l'heure, résultat remarquable lorsque l'on considère que l'avion maintint la vitesse de croisière indiquée de 155 Km/h.
Je passai la soirée et une partie de la nuit avec mes amis espagnols qui, durant tout mon séjour, prirent soin de moi d’une façon tout à fait charmante. Ils étaient des représentants typiques de leur pays et je leur suis très reconnaissant de leur gentillesse.
Retour en touriste
Le lendemain matin je m’envolai vers Tétouan au Maroc espagnol ayant refusé un repas spécial de viande de chameau qui m'aurait fait prolonger mon séjour.
Décollant à 12,15 heures, je parcourus le même trajet que deux jours auparavant mais en sens inverse : Agadir, Marrakech, Rabat. Larache où je quittai la côte en obliquant directement vers Tétouan; j'y atterris après 5,40 heures de vol.
L'avion n'était équipé ni de frein, ni de roue de queue, le taxi était impossible excepté si on se dirigeait nez au vent. A Tétouan, le responsable de la tour de contrôle n'était pas ravi de me voir couper le moteur au milieu de la piste, bondir de l'habitacle, prendre la béquille de l'appareil sur l'épaule et pousser celui-ci vers la tour de contrôle. Il vint vers moi à moto et sans perdre de temps m'apostropha de vocables que je présume peu flatteurs. Néanmoins je restais silencieux et gardai mon calme n'ayant compris mot et voyant mon attitude il s'en retourna en hochant la tête.
A Tétouan, je me trouvai tout à coup les bras chargés de mon log book, barographe, brosse à dent, passeport, cartes, pantalons, foulards, appareil photos et films, ces deux derniers ayant été achetés à Sidi-Ifni, et essayant d'héler un taxi pour me rendre en ville. Je devais certainement avoir une apparence un peu particulière mais j’obtins finalement mon taxi et en profitai pour offrir une place au délégué de la douane et à un agent de la police. Ayant trouvé une chambre et pris un bon bain, je bondis vers un magasin pour me procurer une valise. Le garçon de l'hôtel arbora un immense sourire quand il me vit apparaître avec mes emplettes.
Durant la soirée je me promenai dans les quartiers arabes et me couchai assez tard.
Le matin suivant le Belfair décolla à 11,08 heures, traversa le détroit de Gibraltar, suivit la côte est de l'Espagne et survolant Ibiza, atteignit Palma de Mallorca où j'atterris à 17.12 heures (6 heures et 4 minutes de vol).
Malheureusement le vent était en travers de la piste et lorsque l’effet du gouvernail ne parvint plus à combattre la poussée latérale, l'avion se mit nez au vent, quitta la piste et, heureusement pour moi, traversant une aire de circulation se dirigea vers le parking où il s’immobilisa. A un certain moment, je fus obligé de donner un coup de gaz afin d’éviter une balise mais personne n'aurait pu se douter que j’avais la moindre difficulté à diriger l'avion.
Je restai à Mallorca le lendemain et goûtai pleinement chaque minute de mon séjour. Le soleil me fit un bien immense et la nourriture était excellente.
A cause des difficultés rencontrées à l'atterrissage et le manque de devises française, je décidai de relier Palma à Gosselies d'un seul coup d'aile. Le 9 à 08,40 heures mes roues quittèrent à nouveau le sol et je pris le cap de Barcelone, puis longeai la côte jusqu'à Béziers en France, survolai les montagnes jusque Lvon d'où je suivis la vallée du Rhône jusqu'à proximité de Dijon et d'ici Gosselies direct (environ 1250 kilomètres)
A part un peu de pluie après la frontière belge, les conditions atmosphériques sur tout le parcours étaient très favorables.
Je n’avais pas songé à me raser. A 18h15 GMT, je survolais l'aérodrome de Gosselies et comme je le traversais je remarquai plusieurs personnes se dirigeant en hâte vers la piste.
Endéans quelques minutes des voitures et un groupe assez conséquent s'étaient rassemblés. J'exécutai deux tours de piste et vins atterrir.
Le vol avait duré 9 heures et 38 minutes et le vent à l’atterrissage était pratiquement nul. Je ne m'attendais pas à une telle réception, je ne m'étais pas rasé depuis Chièvres et j'étais là, parmi toutes ces personnes, recevant toutes ces félicitations. De toute façon, c'était magnifique d'être de retour, gai de voir à nouveau toutes ces figures familières et de pouvoir partager les joies du record avec eux.
Ils avaient fait autant que moi pour les préparatifs, ils étaient restés éveillés le jour et la nuit du record et ils avaient transi durant mon absence.
Ils avaient préparé mon retour pendant que j'avais profité du soleil d'Afrique et de Palma, mais c'est moi qui ai reçu les fleurs.
J'étais content et heureux, mais je leur dois beaucoup. En particulier à Monsieur Ernest-Oscar Tips qui a créée et construit le Tipsy Belfair 00-TIC et qui me l'a confié pour ce vol de record
P.I.R ANDERSEN